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TROBOTROBO

TROBO
INSTALLATION CINÉTIQUE

Le mot ROBOT vient de la fiction. Il apparaît dans une pièce de théâtre d’un auteur tchèque Karel Čapek. C’est son frère Joseph qui eut l’idée de le composer à partir du mot ROBOTA qui veut dire en tchèque travail, besogne. Ce mot s’est depuis diffusé dans le monde entier et existe aujourd’hui dans la plupart des langues. On désigne par ROBOT tout ce qui ressemble de près ou de loin à une machine douée d’autonomie. Mais il a gardé une place considérable dans la fiction d’où il est issu.
Dans notre imaginaire, il évoque toutes sortes de fantasmes, de peurs, d’espérances.

Pourtant la réalité des robots est plus concrète. La première introduction massive parmi les hommes a lieu dans l’industrie à la fin des années soixante sur les chaînes de montage automobile. Ce premier robot, le robot industriel, n’a pas beaucoup évolué depuis. Il s’agit toujours d’un bras articulé six axes, capable d’atteindre tout point de l’espace autour de lui et que l’on complète par divers outils pour réaliser des tâches de grande précision : assemblage, peinture, soudure, découpe…

Dans TROBO, les deux robots industriels ont comme travail, besogne, de poser devant eux le sujet de l’exposition, c’est à dire d’aligner les lettres qui composent le mot ROBOT. Mais cette tâche ne va pas de soi. Les deux bras articulés ont manifestement un problème avec leur nom. Ils tentent alors de trouver des solutions. Les deux robots redeviennent des personnages de théâtre jouant sur une scène une histoire sans fin : la rencontre un peu loufoque entre la robotique bien réelle et l’imaginaire du mot qui la définit.

Aurélien Bory

 
telerama

AURELIEN BORY ET LES ROBOTS : “LA SCIENCE-FICTION MET EN SCÈNE NOS PLUS GRANDES PEURS”
08 avril 2019

Deux bras désarticulés, face à face, se tordent et tentent vainement, d’écrire le mot “robot”, sujet de la nouvelle exposition permanente à la Cité des sciences. Avec sa dernière création, l’artiste et metteur en scène invite les visiteurs à réfléchir sur les fantasmes liés à ces étranges humanoïdes.

Et si les robots se passaient des humains ? Pour Aurélien Bory (né en 1972), metteur en scène, scénographe et amoureux des robots, cette inquiétante prédiction n’est pas pour demain. Ce qui ne l’empêche pas d’être fasciné par ces mécaniques “intelligentes” qu’il utilise amoureusement dans la plupart de ses spectacles. Avec sa dernière création TROBO à la Cité des sciences, l’ancien étudiant en physique continue d’exprimer sa passion pour la technologie.

COMMENT VOUS-EST VENUE L’IDÉE DE CETTE ŒUVRE ?

Le mot « robot » vient du théâtre, de la fiction, avec la pièce R.U.R. de Karel Čapek. En 1920, le dramaturge tchèque met en scène des personnages-machines qui se révoltent et anéantissent l’humanité. Le sujet est assez classique pour une œuvre de science fiction. Mais c’est dans cette pièce que l’on utilise pour la première fois le mot « robot », du tchèque « robota », qui signifie « travail, corvée ». Ce qui renvoie à la fonction utilitaire de l’automate. Les premiers vrais robots ont été conçus pour déplacer des choses, pour effectuer des tâches d’assemblage dans l’industrie, délestant les hommes des charges lourdes ou dangereuses. Avec TROBO, j’ai voulu montrer l’écart entre ce « robot » quasi humain de la science fiction, et le robot industriel.

VOTRE PIÈCE SANS OBJET QUESTIONNAIT DÉJÀ LA RELATION HOMME-MACHINE. VOUS CONTINUEZ SUR CETTE MÊME LANCÉE ?

Dans Sans objet, le robot était seul, discutant avec deux acteurs. Cette fois-ci, je voulais que les automates soient au moins deux face au public. Dans TROBO, les machines se regardent, se questionnent, collaborent pour… rater le mot « robot ». Elles redeviennent des personnages de théâtre, comme elles l’avaient été dans la pièce de Čapek.

POURQUOI VOUS ETES-VOUS INTÉRESSÉ A LA ROBOTIQUE ?

La technologie a pris beaucoup de place dans notre existence. Elle a bousculé nos usages et nos relations. Personne n’a eu d’autre choix que de s’y soumettre, avec plus ou moins de résistance. Peut-être qu’en ce sens là, on l’aime et on la déteste à la fois. Mais elle nous rend bien service. L’être humain y a recours, aussi parce qu’il veut toujours s’augmenter, se rendre plus fort. Dans son fantasme, celui qui possède la technologie, possède le monde. Et le robot intelligent en est le paroxysme.

DANS TROBO, VOS BRAS MECANIQUES RECOMMENCENT INDEFINIMENT, N’ARRIVANT JAMAIS A ORTHOGRAPHIER LE MOT « ROBOT ». POURQUOI MONTRER DES MACHINES IMPARFAITES ?

L’idée était d’aller du côté de ce que ces machines ne sont pas. Dans l’imaginaire commun, les robots sont parfaits, sur-puissants, brutaux, efficaces, sans grâce. Avec cette petite faute, je les humanise. Car l’erreur est humaine. Cela me rappelle le programme Deep Blue qui avait battu le champion d’échecs Kasparov … en faisant un faux pas. Ce coup, imprévisible, a troublé l’homme. Dans mes installations, c’est la même chose. Il faut qu’il y ait un pas de côté, un déplacement, un élément qui ne se passe pas comme prévu. Il est évident que ces machines peuvent correctement écrire le mot « robot ». Mais ce n’est pas l’intérêt. Il faut sans cesse questionner notre regard sur cet univers “techno” qui nous entoure.

COMMENT EXPLIQUEZ-VOUS NOTRE FASCINATION POUR LES ROBOTS ?

La science-fiction met en scène nos plus grandes peurs. Derrière ses robots tout puissants, elle nous rappelle cette crainte que l’on a de disparaître. Notre existence est limitée, nous le savons. Mais n’oublions pas, c’est l’être humain qui tient la machine : il peut la débrancher. Je suis d’ailleurs assez heureux de la tournure qu’a pris l’exposition en démystifiant la robotique. Il ne s’agit finalement que d’outils, au même titre qu’une machine à laver ou un magi-mix. Sans pour autant nous faire perdre le plaisir que l’on peut éprouver pour la grâce que ces robots si précis, et délicats.

QUE PENSEZ-VOUS DE LA PLACE DES ROBOTS DANS LE MONDE DU TRAVAIL ?

Il y a un déplacement qui s’est fait et dont je me suis inspiré pour fabriquer TROBO. En physique, le T symbolise le travail d’une force motrice. La permutation de cette lettre au début du mot « robot » marque le parallèle avec ce déplacement des compétences assurées par les machines. Aujourd’hui, les humains s’occupent de la programmation, de la maintenance, de la conception de systèmes qui leur évitent le travail pénible. Qu’est-ce qui est préférable ? Courber le dos sous le poids des masses écrasantes ou échapper à certaines tâches industrielles ?

DANS L’EXPOSITION, L’ANDROÏDE PEPPER PERÇOIT NOS ÉMOTIONS MAIS SEULEMENT SI NOUS MIMONS LES EXPRESSIONS QUE NOUS SOUHAITONS LUI FAIRE PASSER. EST-CE LA MACHINE QUI IMITE L’HOMME, OU BIEN L’INVERSE ?

Il y a beaucoup d’anthropomorphisme de la part de l’ingénieur du petit androïde japonais. Mais, inconsciemment, on cherche souvent des formes qui nous ressemblent. Comme chez Pepper, dans TROBO, on va tout de suite reconnaître une tête, un bras, des yeux. Ou peut être juste un comportement qui nous interpelle. En témoigne notre rapport au téléphone où à la moindre vibration, notre esprit, toutes affaires cessantes, est happé par l’objet. Alors oui, nos habitudes changent et pas forcément pour le mieux. Nous sommes des êtres terriblement perméables.

SOYONS FOUS : LES ROBOTS REMPLACERONT-ILS UN JOUR LES HUMAINS ?

Il est très difficile de le prévoir. Est-ce qu’on discute de la même façon avec un humain ou un ordinateur ? Pour l’instant, il est quasi impossible de confondre l’un avec l’autre. Quoique qu’en informatique, ça peut aller très vite. Des systèmes de sécurité sur internet vérifient ainsi si vous n’êtes pas un robot — potentiellement mal intentionné — en vous demandant des tâches qu’ils ne savent pas faire, comme cocher une case ou recopier un code bizarrement calligraphié. Parallèlement beaucoup de chercheurs s’interrogent aussi sur notre comportement afin de le reproduire plus facilement par de l’intelligence artificielle. Seulement à mon sens, les théories post et transhumanistes relèvent plus de la science fiction. On reste là dans la réflexion philosophique, voire fictionnelle, bien loin de la science dure.

QUELS SONT VOS AUTRES PROJETS ?

En ce moment, je crée une installation musicale avec des pianos qui tournent et vont jouer, seuls, le Piano phases de Steve Reich, dans le cadre des 40 ans du festival Piano aux Jacobins, à Toulouse. D’un autre côté, je m’occupe de la création d’un spectacle et d’un prochain opéra. Mon travail alterne entre les installations et les opéras. TROBO, lui, en a pris pour cinq ans à la Cité des sciences. Et promis, jamais il n’écrira correctement ROBOT !

Entretien réalisé par Léa Coupau

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DISTRIBUTION

Œuvre permanente pour l’exposition ROBOTS • Cité des sciences et de l’industrie
Une commande d’Universcience à Aurélien Bory pour la Cité des sciences et de l’industrie

Conception et direction artistique Aurélien Bory
Pilotage et coordination Murielle Truong Van Nga
Régie générale et lumière Arno Veyrat
Assistant artistique et technique Stéphane Dardé-Chipeaux
Étude technique construction des lettres Pierre Dequivre
Directrice des productions Florence Meurisse
Chargée de production Justine Cailliau Konkoj
Administrateur Clément Séguier-Faucher

Photos Aglae Bory