Île-de-France, Normandie, France, Ville d’Alger, Colombie, Ferdinand de Lesseps, Georges Philippar, Viet-Nam, Gange, Washington, Mariette Pacha, autant de noms de paquebots mythiques qui résonnent dans les mémoires du Havre. Nés dans la lumière, le luxe et la fierté puis disparus de façon souvent tragique, incendiés, sabordés, coulés, abandonnés, vendus ou vandalisés. Les navires des compagnies françaises comme la Compagnie Générale Transatlantique ou les Messageries Maritimes ont sillonné les mers et les océans, transportant des millions de femmes et d’hommes de part et d’autre du monde. De ces géants des océans et de toute la vie à bord, il reste de multiples traces, photographies, objets, documents, films, que French Lines rassemble et préserve au Havre.
Pour cette exposition dont le titre est emprunté à Jules Verne, j’ai imaginé que les immenses navires, véritables fleurons technologiques de leur époque, tous disparus aujourd’hui, cèdent la place à leurs modèles réduits. Ces maquettes précieuses, de fabrication diverses et de dimensions variées, ont été réalisées tantôt par les armateurs en amont des chantiers navals, tantôt par les compagnies maritimes comme éléments de promotion, ou encore par des passionnés du monde maritime, comme c’est le cas pour la maquette du Georges Phillippar.
Sortis de leurs boîtes et réunis pour la première fois, les paquebots miniatures sillonnent le Grenier des Docks en guise d’océan. Ils tracent leur sillon, posés sur leur caisse de transport et dessinent les milliers d’aller-retours qui ont rythmé en leur temps le transport maritime. Chaque maquette déplace sa silencieuse solitude à travers l’espace. Des lignes imaginaires s’entrecroisent, quadrillent l’espace, soulignent les latitudes et les longitudes qui font la trame de cette histoire maritime. Elles réaniment ces villes flottantes en tant que témoins d’un monde disparu.
Aurélien Bory
Chaque maquette est équipée d’une centrale inertielle mesurant le cap de sa trajectoire. Le positionnement absolu de chacune des maquettes est donné par une sonde (balise) ultrason fixée au châssis, qui détermine sa position grâce à 16 balises fixes réparties dans l’espace. Les balises sur les maquettes envoient par ondes radio leur données de position à un ordinateur central qui contrôle alors leur dérive par rapport à une trajectoire initialement programmée. L’ordinateur pilote les maquettes et corrige leur progression en intervenant sur les deux moteurs de chaque module. Les maquettes sillonnent ainsi l’espace, en ondulant autour d’une ligne droite.
Il y a des similitudes entre cette carte et ce grenier. Dans les proportions, le quadrillage, et l’espace vide qui résonne avec le lieu. Le grenier fait office d’océan miniature pour les maquettes. Pour le traverser de part en part, elles semblent suivre une cartographie imaginaire, comme ce dessin de Lewis Carroll.
Les photographies des espaces intérieurs faisaient pour la plupart fonction de publicité pour les compagnies maritimes, affichées dans les agences, publiées dans les programmes et les magazines. La vue de ces espaces dénués de présence humaine, résonne différemment aujourd’hui, alors que ces mondes intérieurs ont disparus. Les photographies portent la trace de tout ce qui a constitué un habitat temporaire, une parenthèse dans la vie de millions de femmes et d’hommes, aux situations très différentes : immigration, affaires, colonies, relations politiques et diplomatiques. Dans de nombreux cas la traversée des océans était synonyme d’un espoir. Et de la crainte aussi de la traversée. Que la décoration, les aménagements, les occupations tentaient de faire oublier. Les photographies restituent ces espaces par fragments. Comme un puzzle qu’il s’agirait de reconstituer. Comme la mémoire également, qui cherche toujours les pièces manquantes.
Scénographie Aurélien Bory
Scénographe associé Lucas Thébault
Chef décorateur Pierre Dequivre
Assistant chef décorateur Thomas Dupeyron
Conception robotique Coline Feral
Création lumière Arno Veyrat
Sonorisation Joan Cambon, Stéphane Dardé
Construction décor Pierre Pailles, Morgan Nicolas, Pierre Masselot
Peinture décor Régis Friaud, Jean-Bernard Charpeill
Graphisme Muriel Goudol
Directrice des productions Florence Meurisse
Administration Clément Séguier-Faucher
Chargée de production Estelle Castagnoli
Presse Agence Plan Bey
Une commande de Jean Blaise à Aurélien Bory dans le cadre de l’événement « Un été au Havre 2017 » pour le 500ème anniversaire de la Ville du Havre et de son port. Scénographie d’exposition en partenariat avec l’association French Lines. Exposition réalisée sous le commissariat scientifique de Dorian Dallongeville, Directeur du patrimoine de French Lines.