Aurélien Bory : Le Ciel est loin la terre aussi est le premier spectacle que j’ai vu quand je suis arrivé à Toulouse.
Mladen Materic : En 1994, Le Ciel est loin la terre aussi était la deuxième création du Théâtre Tattoo depuis son installation au Théâtre Garonne.
A.B : J’ai réalisé ce soir-là que le théâtre n’existait pas, qu’il n’était pas une forme donnée, et qu’il était possible — et même nécessaire — de le réinventer.
M.M : En ce temps-là on avait trouvé une formule : « le théâtre n’existe pas quand je dors ». Mais rien n’a été plus simple pour autant. « Partir de soi », c’est dans l’espoir que, si une question te concerne, elle peut aussi concerner les autres. Sauf que tu n’es jamais sûr de cela. Encore moins quand tu viens de quitter la réalité de ton ex-patrie et que tu n’as pas encore eu le temps de reconnaitre ni l’iconographie, ni l’état d’esprit de ton nouvel entourage. Je me souviens encore que deux nuits avant la première de Le Ciel est loin la terre aussi j’ai cru, plus que d’habitude, que c’était une vraie catastrophe.
A.B : 25 années ont passés. Je sais que ce spectacle a laissé des traces, que j’ai voulu suivre en créant mon propre théâtre, mais aussi des traces dans la mémoire que j’aimerais retrouver aujourd’hui.
M.M : Pour moi, Le Ciel était le questionnement sur le plateau, plutôt pénible — probablement habituel — du milieu de la vie (entre naissance et mort, jeunesse et vieillesse, force et fatigue) de la sensation entre ce que l’on a espéré de la vie et ce que l’on a eu et qui commence à sembler définitif…
A.B : Je ne me souviens plus du Ciel est loin la terre aussi, ou du moins les bribes qu’il m’en reste sont soumises à l’impitoyable physique — chimie ? — de la mémoire : superposition, substitution, morcellement, glissement, confusion, flou, effacement…
M.M : Un jour, j’ai dit à Aurélien que l’on avait encore le décor, les costumes et les accessoires.
A.B : J’ai demandé à Mladen Materic de me donner ce décor pour interroger les panneaux de bois, les portes, les fenêtres, les meubles, qui sont restés pendant des années dans l’ombre d’un entrepôt, et tenter de faire émerger quelque mémoire.
M.M : J’ai tout de suite été d’accord qu’Aurélien travaille avec le décor de Le Ciel est loin la terre aussi. Faire un spectacle basé sur un autre spectacle cela me semble excitant.
A.B : Le théâtre a ses constantes parmi lesquelles l’espace est au premier plan et auxquelles nous faisons face à chaque nouvelle création. Il compose une sorte de palimpseste, comme si sur le plateau, l’on devait écrire par-dessus les traces des spectacles qui nous ont précédés.
M.M : Un spectacle, quand il ne joue pas, n’est que l’ensemble des décors, des costumes et des accessoires, entreposés, inanimés, comme morts. Un spectacle, quand il ne joue pas, ce n’est que l’ensemble des acteurs et des techniciens dispersés dans leur propre vie et dans leurs occupations. Rejouer un spectacle cela signifie rétablir les rapports entre tous ces éléments. C’est ce qui est horrible et beau au théâtre : un spectacle est le rapport fondamentalement immatériel entre des éléments fondamentalement matériels.
A.B : J’aimerais écrire littéralement par-dessus les traces du Ciel est loin la terre aussi, en m’attachant uniquement à la trace physique que constitue un décor.
M.M : Entre ces éléments de décor, ces accessoires, ces costumes, ces sons, ces lumières on peut reconstruire les mêmes rapports comme en créer de nouveaux.
A.B : Et retrouver par l’absence, ou par le vide laissé entre les murs, l’histoire de cette famille, un homme, une femme, leurs enfants, leurs parents, en réalisant finalement que cette histoire est également un peu la mienne.
M.M : En correspondance avec mes mémoires de ce spectacle et de ce temps, mais aussi avec ma nouvelle situation.
A.B : Car je suis maintenant au milieu,
M.M : Car je suis maintenant 25 ans plus loin,
Et nous avons décidé de faire ensemble.
Aurélien Bory – Mladen Materic
Septembre 2018
J’aimerais écrire littéralement par-dessus les traces du Ciel est loin la terre aussi, en m’attachant uniquement à la trace physique que constitue un décor.
Aurélien Bory
Avec Aurélien Bory, Haris (Haka) Resic, Jelena Covic, Mickael Godbille
Conception, scénographie, mise en scène Aurélien Bory, Mladen Materic
Composition musicale Joan Cambon
Création lumière Arno Veyrat
Conception technique décor Pierre Dequivre
Construction des décors Pierre Pailles, Jérémy Sanfourche, Olivier Jeannoutot
Peinture Isadora De Ratuld
Accessoires Stéphane Chipeaux-Dardé
Costumes Manuela Agnesini
Régie générale et lumière Thomas Dupeyron
Régie son Stéphane Ley
Régie plateau Mickaël Godbille, Yarol Stuber-Ponsot
Administratrice de production Marie Reculon
Chargé de production Loïc Castells
Presse Agence Plan Bey
Production Compagnie 111 – Aurélien Bory
Coproduction Théâtre Garonne Scène européenne – Toulouse, ThéâtredelaCité – CDN Toulouse Occitanie, Théâtre-Sénart Scène nationale, Comédie de Colmar – CDN Grand Est Alsace, CIRCa – Pôle national cirque Auch Gers Occitanie dans le cadre du soutien du FONDOC, Théâtre Tattoo
Accueil en répétitions et résidences Théâtre Garonne Scène européenne – Toulouse, Théâtre de la Digue – Toulouse
Avec les soutiens Aides à la création de la Mairie de Toulouse, de la Région Occitanie / Pyrénées – Méditerranée et du Conseil Départemental de la Haute-Garonne
La Compagnie 111 – Aurélien Bory est conventionnée par le Ministère de la Culture – Direction Régionale des Affaires Culturelles Occitanie. Elle est aidée au fonctionnement par la Région Occitanie / Pyrénées – Méditerranée au titre du dispositif d’aide aux opérateurs structurants et la Mairie de Toulouse. Elle reçoit le soutien du Conseil Départemental de la Haute-Garonne et de la Mairie de Toulouse pour certaines de ses créations. La Compagnie 111 reçoit le soutien l’Institut Français pour certains de ses projets à l’international.